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Plaidoyer pour la psychopathologie

Ce plaidoyer sera mis en débat sur le site du traité en vue d’un large échange des points de vue et des idées.

Je rappellerai la nature et les grandes caractéristiques de la psychopathologie de l’enfant et soulignerai l’importance de la prise en compte de cette dimension, tant dans la démarche diagnostique que thérapeutique auprès de l’enfant.

• La psychopathologie a pour objet d’étude les systèmes de représentations internes de l’enfant, leurs modalités d’organisation et de fonctionnement, la logique de leurs enchaînements et de leurs significations, la nature de la vie fantasmatique inconsciente et le poids de celle-ci, dans la structuration de ces représentations.

• La psychopathologie postule ainsi que tout enfant, quelle que soit la gravité de sa pathologie, est porteur d’une vie psychique propre et que sa maladie se situe à l’intérieur d’un système possédant sa cohérence interne et qui constitue un organisateur des modalités relationnelles de l’enfant.

• La psychopathologie met l’accent sur le poids de l’histoire individuelle et sur celui des contraintes du passé et de l’héritage transgénérationnel dans la genèse des troubles psychiques.

• La psychopathologie est aussi l’étude du lien interpsychique qui s’établit entre l’enfant et ses parents ou son entourage : nature des projections, des investissements, des scénarios fantasmatiques partagés entre eux.

• Si la psychopathologie n’a jamais la prétention de dire de façon simpliste la cause des affections psychiatriques, elle n’en accorde pas moins un rôle, dans le cours évolutif de l’affection et parfois dans son déterminisme, à ce qui se joue entre parents et enfants par la voie de ce lien.

• La psychopathologie replace l’enfant dans son contexte socio-éducatif. Elle prend en considération les multiples formes de carences du milieu social ou le poids des événements qui jalonnent la vie de l’enfant. Dans cette perspective, elle accorde cependant moins d’importance au caractère de stress de l’événement qu’à l’impact que revêt la signification de l’événement, dans le psychisme de l’enfant ainsi qu’à la manière dont celui-ci se réorganise au décours de ce vécu.

• La psychopathologie s’attache à replacer les troubles dans le cadre naturel de vie de l’enfant, son milieu socioculturel et scolaire, d’une part, et son milieu familial, de l’autre, les troubles psychiques de l’enfant ne pouvant prendre sens que s’ils s’inscrivent dans le cadre du déroulement de l’histoire individuelle de l’enfant.

• La psychopathologie affirme l’existence d’une double continuité de la vie mentale :
– continuité au sein de la vie psychique du sujet, entre le normal et le pathologique ;
– continuité temporelle, essentielle dans la compréhension psychopathologique, soulignant le lien existant entre certains modes archaïques de relation ou certains vécus précoces et l’organisation mentale actuelle de l’enfant

• La démarche psychopathologique ne néglige pas les autres aspects des connaissances psychiatriques. Elle ne sous-estime pas l’intérêt des modèles issus des découvertes en neurosciences, en neuropsychologie cognitive ou en génétique. Pas plus qu’elle ne méconnaît l’intérêt du découpage nosographique, même si elle-même situe plutôt son mode de compréhension dans une perspective transnosographique qui l’amène à délimiter ses champs propres d’investigation et ses objets de connaissance.

• La psychopathologie n’est unifiable, ni sur le plan méthodologique, ni sur le plan épistémologique. Elle ne propose pas un modèle univoque de référence, fut-il psychanalytique. Dans son souci de préserver sa liberté de penser la vie psychique de l’enfant, la psychopathologie souhaite rester à l’abri des risques du dogmatisme et d’enfermement dans des théories figées qui viendraient invalider son action.

La psychopathologie s’appuie résolument certes sur la théorie psychanalytique : sa conception de la vie psychique consciente et inconsciente, avec son organisation fantasmatisque, ses angoisses spécifiques, ses systèmes défensifs.

• Néanmoins, il serait possible d’envisager en complémentarité des psychopathologies reposant sur des concepts issus de l’organisation cognitive ou culturelle de la vie mentale de l’enfant.

• La psychopathologie ne se situe pas en opposition à l’utilisation de médicaments psychotropes, mais demande à ce que cette utilisation ne vise pas à faire l’économie d’une analyse du fonctionnement psychique et de la prise en compte de cette analyse dans la mise en place des stratégies thérapeutiques. Elle récuse le primat du paradigme symptôme-médicament

• La psychopathologie se veut ouverte. Elle reconnaît la pertinence de certains modèles psychopharmacologiques qui peuvent offrir à la psychopathologie de nouveaux objets d’investigation.

• La psychopathologie est une pratique. Les modèles théoriques qu’elle offre prennent appui et nourrissent cette pratique. Elle permet ainsi à chacun de se faire une représentation personnelle de l’enfant, de ses inquiétudes, de ses attentes et de ses possibilités d’accueillir les apports thérapeutiques.

L’Association européenne de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent (Aepea), fondée en 1996, est née du souci de promouvoir un modèle de compréhension psychopathologique dans la pratique clinique et thérapeutique chez l’enfant ainsi que dans les recherches théoriques. Ce traité a été conçu en collaboration avec elle.

Pierre FERRARRI

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